En voiture, Simone!

J’avais pourtant tout pour réussir enfin mon énième tentative de passer le permis de conduire : soleil radieux, route presque déserte et même le soutien d’un moniteur pas franchement commode...J’arrive donc confiante au centre d’examen, les mains pleines de tous les papiers officiels indispensables et le cœur plein d’espoir -tout aussi indispensable, à ce stade je ne compte plus sur mes talents d’automobiliste avertie pour réussir mais sur des détails improbables, du genre problème de véhicule ou vieil inspecteur lubrique attendri par mes charmes. A croire que le sort s’acharne sur moi : j’entre dans la voiture où m’attendent un moniteur et…une inspectrice.

 

Bon, le numéro de vamp tombe à l’eau. Pas grave, j’ai bien suivi la leçon de la chanson,je garde donc la positive attitude et tente un enthousiaste « Bonjour ! Y a-t-il quelqu’un pour sauver la voiture ? ». Deux paires d’yeux effarés se braquent sur moi. Pas de chance, la demoiselle n’est pas cinéphile, ma référence a fait un bide. Toujours pleine d’entrain, je m’installe au poste de conduite. Au moment de mettre le contact, j’ai encore bon espoir …jusqu’à ce que le doux son d’un moteur en plein état de fonctionnement parvienne à mes oreilles.

 

Je vois toute ma vie défiler devant mes yeux (comment ça, j’exagère ? Que ceux qui ont passé leur permis plus de cinq fois me jettent la première roue de secours !) : toutes mes chances de victoire se sont définitivement envolées. « Vous circulez à allure normale. N’hésitez pas à me demander… ». Une voix lointaine me tire de mes visions. Ah oui, c’est vrai, c’est à moi de jouer. J’enclenche la vitesse, je vérifie les rétros, appuie sur l’accélérateur, re-vérifie mes rétros, mets mon clignotant, re re-vérifie mes rétros, tourne le volant, re re re-vérifie mes rétros(à ce moment un sentiment de sérénité m’envahit : mon moniteur va être fier de moi, je pense à mes arrières) , passe la troisième…et suis éjectée contre mon siège, d’un coup de frein dont je ne suis pas l’auteur.  « Et la priorité à droite, ça vous concerne pas peut-être ? », me crie la voix lointaine. Moi, au summum de mon flair, je conclus qu’il doit s’agir d’une question piège. « Ben non, c’est à moi la priorité. » Héhé, je suis parfaitement satisfaite de ma réponse jusqu’à ce que Cruella pousse un énorme soupir et « bon allez on y retourne. »

 

Je n’insiste pas, elle doit être déçue que son jeu d’actrice n’ait pas marché avec moi. Je continue à vérifier mes rétros. J’y aperçois d’ailleurs mon moniteur. Et sa chemise. Un petit coup d’œil sur la route et je ne tiens plus, il faut absolument que j’analyse cette chemise, mon œil est comme attiré par ce bout de tissu qui m’inspire à la fois dégoût et admiration. 

 

Mais encore une fois, la voix m’interrompt dans ma réflexion profonde , pour me signaler que c’est-devant-que-ça-se-passe-les-rétros-c’est-juste-pour-contrôler. Je me retiens de lui faire part de mon observation vestimentaire :si cette femme n’est ni cinéphile ni comédienne dans l’âme, je doute fort de ses compétences en matière de mode. En plus, « on passe aux manœuvres ». Chouette, enfin quelque chose que je maîtrise. Mais apparemment, Cruella et moi n’avons pas la même définition du mot maîtrise.

 

Certes, j’avoue que mon demi-tour en trois temps se fait en cinq temps, et que lorsque je me gare soit moi soit le passager est bloqué pour ouvrir sa portière. Mais je suis toujours garée entre les lignes et je n’ai jamais calé en faisant un créneau...L’erreur est humaine, non ? Oui, mais de toute évidence mon inspectrice non. Face à mon sourire victorieux de fin de manœuvres(j’ai un sourire propre à chaque évènement), elle ne trouve qu’à me lancer un « Heureusement que vous n’avez pas passé votre permis il y a 20 ans, à l’époque il n’y avait pas de direction assistée. »

 

Glourps, la traîtresse essaie de me déstabiliser. Je ne perds pas le nord (ahah, c’est le cas de le dire), et prends sans rechigner la direction de l’autoroute. Et là , la panique s’empare de moi. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à prendre la même autoroute que moi ? Accrochée à mon levier de vitesse, j’hésite à en prendre (de la vitesse-ého,il faut suivre un peu !). Et ça n’échappe pas à l’as du volant qui trône à côté de moi. « Ben quoi, vous avez peur ? Faut se lancer ma p’tite dame ! Alala, c’est pas possible,ça ! » C’en est trop. Des trémollos dans la voix, je lance sèchement : « Non , ce n’est possible .On rentre. » Bouche bée, la Cruella.

 

Depuis, mon vélo est toujours mon plus fidèle acolyte, et Cruella m’a fait parvenir ses excuses. Non mais.

 




22/06/2010
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